Explications sur les nouvelles dispositions de la loi de finances pour 2024
La Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger(CCIN) a servi de cadre à une rencontre d’explications sur les nouvelles dispositions de la loi de finances pour 2024 au bénéfice des acteurs du secteur privé nigérien.
Organisée le Mardi 23 janvier 2024 dans la salle de réunion de la CCIN, cette rencontre d’explications a porté sur les principales dispositions fiscales et douanières introduites par la loi de finances 2024 qui ont fait l’objet de la circulaire N°001/ME/F/SG/DGI/DLC du 15 janvier 2024 relative à l’application des mesures fiscales introduites de ces dispositions fiscales et la circulaire N°005/DGD/DRCD du 15 janvier 2024 pour les nouvelles mesures douanières.
Dans une salle de réunion de la CCIN archicomble, la rencontre débute par une présentation succincte des caractéristiques majeures de ladite loi de finances à savoir des ressources totales de 2 653,44 milliards de F CFA dont des ressources internes de 56,8% et des ressources externes de 43,2% et des dépenses totales de même montant que les ressources totales dont 49,54% d’investissements et 50,46% de dépenses de fonctionnement comprenant un service de la dette publique de 46,88%.
De manière synthétique, on y apprend que les dispositions applicables à compter du 1er janvier 2024 portent sur :
A propos des Impôts sur les bénéfices
- Les sociétés sous toutes les formes sont soumises à l’impôt sur les bénéfices et sont assujetties de plein droit au régime réel d’imposition en référence aux dispositions de l’article 328 du CGI. Toutefois, la circulaire relative à l’application des mesures fiscales introduites par la loi de finances 2024 précise qu’elles sont assujetties de plein droit au régime réel normal d’imposition, ce qui exclut le régime simplifié.
- Les entreprises constituées sous la forme des Waqf, reconnues comme telles par les autorités compétentes et qui affectent les bénéfices qu’elles réalisent à une œuvre sociale de bienfaisance sont exonérées d’ISB. Sous réserve que la liste de ces entreprises soit communiquée à la DGI par les autorités en début de chaque année, ces entreprises bénéficient des différentes exonérations contenues dans les dispositions de la loi de finances 2024 pour l’IBF (y compris l’IMF), les impôts fonciers pour les immeubles qui leur appartiennent, la taxe professionnelle de l’IRVM au titre de cette année.
- La constatation de l’existence d’un établissement stable au sens du CGI entraine l’immatriculation de l’entité au RCM et au NIF au Niger. La loi de finances a défini l’établissement stable en référence à la définition contenue dans l’Acte additionnel du 5 décembre 2018 portant adoption des règles communautaires de la CEDEAO pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur les revenus, les capitaux et les successions et la prévention de la fraude et l’évasion fiscale entre les Etats membres de la CEDEAO. Y compris pour les résidents des pays signataires des conventions de non double imposition, toute installation fixe faite au Niger est considérée comme un établissement stable au Niger sans considération de la durée de présence.
- La loi des finances pour 2024 a introduit la déductibilité de certaines dépenses et a introduit une limitation pour la déductibilité de certains intérêts. Ces déductions et limitations sont applicables aux états financiers pour 2024 sauf pour les libéralités dans le cadre de la participation au Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie(FSSP) dont la déductibilité a été étendue aux libéralités faites en 2023.
- Les entreprises tenant leur comptabilité au moyen d’un système informatisé sont tenues de transmettre sous forme dématérialisée, leur fichier d’écritures comptables validées et clôturées dont les caractéristiques sont conformes aux prescriptions définies par voie réglementaire, en même temps que leur déclaration de résultat.
- La loi de finances pour 2023 avait supprimé la possibilité d’imputer les précomptes ISB sur l’un ou les trois acomptes dus au 30 juin, 31 août et 31 octobre. La loi de finances pour 2024 a abrogé cette disposition et autorise ainsi l’imputation des précomptes ISB retenus par les clients sur les trois acomptes ISB dus.
- A propos de la fiscalité des entreprises sous la forme WAQF
En droit islamique le WAQF est une donation faite à perpétuité par un particulier à une œuvre d’utilité publique et charitable.
La loi de finances pour 2024 a introduit des exonérations fiscales pour accompagner le développement des activités économiques relevant de ces ressources. Ces exonérations portent sur :
- L’impôt sur les bénéfices (ISB), y compris l’IMF.
- L’IRVM sur les revenus des actions et des parts dans les sociétés constituées sous forme de WAQF.
- Des impôts fonciers sur les immeubles appartenant aux entreprises constituées sous cette forme et reconnues par les autorités compétentes et que les immeubles soient exclusivement utilisés dans le cadre de l’objet social du WAQF.
- De la taxe professionnelle des entreprises constituées sous cette forme.
- A propos de la taxe sur certains frais généraux
La loi de finances pour 2024 a introduit une exonération à la TCFGE sur toutes les libéralités faites au profit du FSSP par les entreprises soumises au régime réel d’imposition. Cette exonération s’étend aux libéralités versées en 2023.
- A propos de l’impôt synthétique
La loi de finances pour 2023 qui a consacré la diminution des seuils d’assujettissement aux différents régimes d’imposition avec un plafond de 50 000 000 F CFA pour être assujetti au régime de l’impôt synthétique n’a pas ajusté le tarif de l’impôt synthétique des restaurants et débits de boissons relevant des micros et petites entreprises. C’est ainsi que cet assujettissement a été pris en compte par la loi de finances 2024. Il s’agit d’une reclassification des catégories sans aucune modification des impôts.
- A propos du prélèvement pour incivisme fiscal (PIF)
Le PIF a été introduit par la loi de finances 2023 en vue d’élargir l’assiette fiscale avec un prélèvement de 10% au montant TTC au moment du règlement des fournisseurs qui ne disposent d’une régularité fiscale(ARF) en cours de validité. Cette obligation s’applique à tous les acteurs de la vie économique du pays à l’exception des ONG, y compris les entreprises soumises au régime réel d’imposition. Toutefois, les règlements au profit des entreprises relevant de la DGE ne sont pas soumis à cette retenue.
La loi de finances pour 2024 a étendu cette obligation de retenue aux ONG et dispensé l’ensemble des entreprises soumises au régime réel d’imposition de cette obligation de retenue du PIF.
- A propos de la TVA
- Le régime de la TVA sur les activités de télécoms a été profondément remanié par la loi de finances pour 2023 avec l’assimilation de ces activités a des services alors qu’elles étaient qualifiées avant 2023 de biens. L’exportation des services produits au Niger, utilisés ou non au Niger n(ayant pas été prévue par la loi de finances en 2023, l’Administration fiscale a introduit dans la Circulaire relative à l’application des mesures fiscales introduites par la lois de finances pour 2023, l’exonération des services relatifs aux appels entrant des télécoms. Il s’agit là d’une exonération introduite par une circulaire. Cette anomalie a été corrigée par les dispositions de la loi de finances pour 2024 qui consacre l’exonération des services produits au Niger et utilisés à l’étranger.
- La loi de finances pour 2024 a étendu le taux réduit de TVA de 10% à toutes les prestations de restauration fournies par les entreprises soumises à un régime réel d’imposition. Ainsi donc les prestations d’hébergement (qui sont sensées n’être réalisées que par les hôtels) et toutes les prestations de restauration fournies par les hôtels, les restaurants ou les services traiteurs sont soumises à la TVA au taux réduit de 10%.
- A propos des droits d’accises
- La loi de finances pour 2024 a introduit une rétrocession d’une partie des produits des droits d’accises au FNS. Les modalités pratiques de cette rétrocession seront définies par un arrêté du Ministre chargé des Finances.
- La loi de finances pour 2023 avait supprimé les droits d’accises de 10% sur les véhicules de tourisme de plus de 13CV importés au Niger.
La loi de finances pour 2024 a réintroduit ces droits d’accises de 10%.
- A propos de la taxe spécifique sur les tabacs et cigarettes
La loi de finances pour 2024 a consacré la suppression de la taxe spécifique sur les tabacs et cigarettes.
- A propos de la taxe spécifique sur les produits pétroliers raffinés à l’export
Cette taxe spécifique sur les produits pétroliers destinés à l’exportation de 15% introduite par la loi de finances pour 2023 a été supprimée par la loi de finances 2024 pour assurer la compétitivité de nos produits. La circulaire n°001 du 15 janvier 2024 précise que les opérations d’exportation en cours avant le 1er janvier 2024 sont passibles de cette taxe au taux de 15%.
- A propos sur les recettes de loterie
Le taux de la taxe sur les recettes de loterie est passé de 15% à 20% à compter du 1er janvier 2024. Il convient de rappeler que le taux sur les jeux de hasard est également de 20%.
- A propos du droit de visite
Le droit de visite de l’Administration fiscale est encadré par les articles 346 et 347 du CGI. L’Administration fiscale saisit l’autorité judiciaire lorsqu’elle estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou de la TVA en se livrant à certains agissements. Le juge peut autoriser les agents habiletés de cette administration à rechercher les preuves de ces agissements en effectuant des visites en tous lieux où les pièces sont susceptibles d’être détenus. La loi de finances pour 2024 a ajouté « ou susceptibles d’être accessibles ou disponibles ».
La loi de finances pour 2024 a également précisé que si, à l’occasion de ces visites, les agents habilités découvrent l’existence d’autres lieux où des documents et pièces sont susceptibles d’être détenus, accessibles ou disponibles, en cas d’urgence, le juge peut par tout moyen les autoriser de procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisie de pièces et documents.
- A propos de l’Attestation de régularité Fiscale(ARF)
L’ARF n’est plus exigée par les entreprises soumises au régime réel d’imposition pour le règlement des factures de leurs fournisseurs. Toutefois, l’ARF reste requise pour les règlements effectués par les comptables publics, les projets, les ONG et les organismes de l’Etat.
La durée de validité de cette ARF qui était de 45 jours a été portée à 90 jours. Son timbre de 1500F est passé à 10 000F CFA et cette ARF reste valable en son original ou en sa copie légalisée.
- A propos des droits d’enregistrement
Les deux principales dispositions relatives aux droits d’enregistrement portent sur l’abrogation de l’enregistrement obligatoire au taux de 2% des actes passés entre personnes privées et la régularisation du régime des fusions et des augmentations du capital en numéraire y compris par incorporation des dettes.
- L’enregistrement au taux de 2% des actes passés entre personnes privées y compris les ONG n’est plus obligatoire à compter du 1er janvier 2024et par conséquent la condition d’enregistrement par le bénéficiaire n’est plus requise pour la déduction des charges correspondantes pour le calcul du résultat imposable à l’ISB.
- Toutefois, les actes passés antérieurement au 31 décembre 2023 restent soumis à cette obligation d’enregistrement et la charge ne sera déductible même pour les exercices 2024 et suivants si cette obligation n’est pas accomplie par le bénéficiaire du paiement.
- Jusqu’au au 31 décembre 2023, les opérations d’augmentation de capital sont régies par les articles 465 bis, 465 ter et 489 du CGI. L’article 465 bis du CGI précise que les actes portant augmentation du capital ou de fusion de sociétés sont soumis à un droit proportionnel. Les augmentations du capital se font en numéraire (y compris l’incorporation des dettes au capital), en nature ou par incorporation de réserves et des bénéfices.
- A propos du droit de timbre
Les nouvelles dispositions de la loi de finances prévoient l’obligation d’acquittement des droits de timbre sur état pour certains secteurs d’activités notamment pour les activités de transfert d’argent, le transport interurbain, les banques. Les personnes physiques et morales concernées par cette obligation sont déterminées par arrêté du Ministre en charge des finances. Le reversement doit intervenir au plus tard le 15 du mois suivant.
En attendant la publication dudit arrêté, les personnes soumises à cette obligation relative au droit de timbre doivent continuer le reversement dans les conditions en vigueur au 31 décembre 2023. Le reversement des droits de timbre sur état était déjà possible sur autorisation de l’Administration fiscale, sur demande formulée par les personnes soumises à cette obligation.
- A propos du contentieux
La loi de finances pour 2024 a consacré la suppression du CARFI et à conséquence modifié les procédures en matière contentieuse.
Les procédures applicables sont disponibles au niveau de la DGI.
- A propos de la fiscalité de porte
- En l’absence de vérification des importations, la Taxe sur la vérification des Importations(TVI) de 1% a été supprimée.
- Bien qu’introduite par la loi de finances pour 2024 à son article 29, la redevance sur les importations n’a pas été retenue dans la circulaire N°005 du 17janvier 2024 de l’Administration douanière. Son application au niveau douanier n’est donc pas intégrée au texte réglementaire.
- L’importation des véhicules neufs (positions tarifaires 8702 et 8704) destinés au transport des personnes et des marchandises, introduite par la loi de finances 2023 est dorénavant limitée aux personnes morales détentrices d’une société de transport de personnes et ou marchandises régulièrement installées au Niger à l’exclusion donc des personnes physiques ou entreprises individuelles.
Sont également exclues de cette exonération, les véhicules de la position tarifaire 8704.10. Il s’agit également des véhicules automobiles pour le transport des marchandises à benne-basculante.
- Les droits applicables au sucre pour sa mise en consommation sont de 27%. Les droits à la réexportation du sucre sont alignés à ce taux pour juguler le reversement des produits sur le marché national.
- Les droits à la réexportation de l’huile alimentaire sont alignés aux droits applicables à la mise en consommation pour juguler le reversement des produits sur le marché national.
- Par son article 34, la loi de finances pour 2024 a introduit une redevance statistique à l’export sur le pétrole de 3%. Il convient toutefois de préciser que la production et le transport du brut d’Agadem sont régis par des conventions comportant des clauses de stabilité fiscale.
- La loi de finances pour 2024, après avoir supprimé la taxe spécifique sur l’or a introduit une redevance statistique à l’exportation sur l’or de 3%. Nous rappelons que la production estimée pour 2024 ressortant de la présentation du rapport économique, social et financier de l’ordonnance portant loi des finances pour l’année budgétaire 2024 est de 2 378 kg dont 316 kg d’or industriel.
- Par son article 36, la loi de finances pour 2024 a introduit une redevance statistique à l’export sur l’uranate de 3%. Il convient toutefois de préciser que la production actuelle est régie par des conventions comportant des clauses de stabilité fiscale.
Nous rappelons que la production estimée pour 2024 ressortant du rapport économique, social et financier de l’ordonnance portant loi de finances pour l’année budgétaire 2024 est de 1 842 tonnes pour 2024 et pourrait atteindre 3 520 tonnes en 2026 avec la production de la SOMIDA.SA.
Une Vue des participants
La séance de présentation liminaire de la loi de finances pour 2024 et des nouvelles dispositions qu’elle comporte a par la suite donné lieu à une longue période d’échanges entre les participants et les représentants du Ministère des Finances, de la Direction Générale des Douanes et de la Direction Générale des Impôts. En fin, au regard de l’engouement suscité, les organisateurs ont promis une autre rencontre d’échanges dans les jours à venir.